Entre 2002 et 2012, plus de 200 élèves du collège Denfert-Rochereau, du lycée Jacques Amyot ont cité à la cérémonie du 11 novembre les 694 soldats Morts pour la France en précisant le jour et le lieu de décès de chacun d'entre eux. Puisse ce site permettre à nos jeunes de mieux comprendre cette tragique page de l'histoire, à nos familles de rafraîchir leur mémoire éprouvée légitimement par le temps, à nos glorieux soldats de ne pas tomber dans l'oubli.

mardi 5 août 2014

Chapitre 4: l'arrière en 1914







télégramme annonçant le décès d'un soldat à Neufchâteau, arch. municipales d'Auxerre



Aube

Troyes
À l'arrière, les appelés en formation n'ont guère plus le moral. dans leurs lettres, ils ne cachent pas leur
désarroi.

Lettre de Alix Guitard à sa femme, 23 août 1914 [1]
Né le 26 août 1889 à Gy-l’évêque issu de famille d’agriculteurs , il est venu travailler à Auxerre chez Jean Moreau[1] (avenue de la Puisaye), à la fabrication de biscuits, chocolats pain d’épices (dont la spécialité « Bamboula »). La dernière paye des ouvriers, juste avant la guerre, s’est faite en louis d’or.[2] Marié depuis le 1 février 1913 à Marie-Louise Demonte[3], il a une fille le 5 juillet 14.
Alix est mobilisé à Troyes en début août, seulement quelques semaines après cet heureux événement. Il retrouve là-bas son beau-frère. Il y reste deux mois.
Puis départ, avec son régiment, pour le Nord : passe par la Somme, en Pas-de-Calais et arrive dans le secteur d’YPRES sur la frontière belge le 9 novembre 1914. Il meurt le 10 novembre[4], tué par une balle en plein cœur. Il a 25 ans. Son camarade de combat (originaire aussi de l’Yonne) l’enterre. Il prévient le maire de Gy-l’Evêque (où vivent toujours ses parents) car il n’a pas le courage d’écrire directement à la veuve.




[1] L’unedes boutiques subsiste de nos jours, elle est occupée par un fleuriste rue du Pont ;
[2] Madame Ladier, petite fille en a gardé précieusement un exemplaire.
[3] née le 21 février 1891.
[4] Date qui ne correspond pas aux indications du SHAT.

"Ma femme chérie,
Je m’empresse de te retourner une lettre pour te dire de ne pas lire celle que je t’ai envoyée, car tu
seras comme moi dans la peine. J’ai des instants que je ne sais plus ce que je fais. On est tourné
surtout quand je songe à toi. Je te dis je ne te parle pas de ma fille c’est encore pire. Ne montre pas
cette lettre à personne.  
Courage –mes camarades m’ont remonté le moral un peu, mais tu sais c’est fort.
Prends courage. Je voudrais te voir c’est cela qui me tourne la tête. Prends courage encore une fois
courage je reviendrai bientôt.
    Au moment où je t’écris je reçois une lettre d’Henri[2] qui me demande qu’est-ce que fait Marie[3]
Je te dirai qu’elle est mal fichue. Aussi voilà plusieurs jours que je n’y suis pas allé car je m’embête
encore plus vers elle. Tu sais on parle toujours de vous. Elle croyait que tu serais venue. Tu diras à
Henri qu’elle écrit tous les jours pourtant. Simone[4] demande son papa souvent. Elle est gentille et
pas malade cette pauvre petite.
            Ma petite femme chérie ne te tourmente pas je vais me remonter aussi.
            Fais ce que tu voudras. Viens si tu veux Oh que je serai heureux aux risques de tout.
Ma chérie au revoir
Un bon baiser
Ton ami chéri pour la vie
Guitard Alix
27e Compagnie Dépôt de Troyes
26e d’Infanterie."



Lettre d'Alix Guitard à sa femme, Troyes, postérieur au 23 août 1914.
Etat désespéré du soldat encore en formation à Troyes.
 " Ma chère petite femme chérie,
            Aujourd’hui dimanche, je m’empresse de t’écrire. Je suis bien chagrin de t’avoir envoyé une 
lettre pareille mais je te le dis, j’étais dans un moment de malaise. J’aurais voulu, te voir c’était plus
fort que moi mais ne te désole pas parce que tu tomberais malade mais tu sais, c’est fort de ne pas te
voir. Ecoute, si tu peux voyager un peu, viens. Les trains arrivent pas mal à présent. Tu ne seras pas
toute la journée ; tu te retourneras avec Marie[5] surtout la lettre que tu as reçue ne la montre à
personne . Tu diras à Henri[6] que Marie est un peu dérangée, elle a mal dans le ventre et les côtés.
Je t’écrirai deux fois par jour. Je ne t’en mets pas plus long mais su tu pouvais venir ce serait une
grande joie pour moi. Allons prends courage ma chérie et embrasse bien toute notre petite fortune[7]
que tu as vers toi, pour moi. Moi, j’embrasse Simone[8] à la place, elle est bien gentille ? Elle
demande son papa tous les jours.
            Ma chérie je t’embrasse en attendant le plaisir de te voir. Si tu peux et pense venir, envoie moi
une dépêche de suite.
            Ton petit chéri pour la vie entière.

Alix Guitard
26e d’Infanterie
27e
Dépôt de Troyes."



[1] Lettre précédée de plusieurs télégrammes envoyés par Alix à sa femme , insistant pour qu’elle vienne à Troyes.
[2] Henri = époux de Marie, frère de sa femme, resté à Auxerre.
[3] Marie= sa belle-sœur, est l’épouse et travaille à Troyes. Elle n’est pas en très bonne santé et mourra en 1916.
[4] Simone : est leur fille née en juillet 1911 ; elle a donc 3 ans quand Alix Guitard écrit cette lettre ; elle est sa nicèe par alliance ;
[5] Marie= sa belle-sœur.
[6] Henri = époux de Marie, resté à Auxerre.
[7] Le bébé d’Alix, sa fille née le 5 juillet 14.
[8] Simone est sa nièce.



Haute-Loire
Vichy

10 septembre 1914          Gaston Louis LECLÈRE (réserviste du 204° R.I. de ligne) âgé de 23ans,  blessé le 6 septembre à la bataille de la Marne[2] transporté à  Vichy mort des suites de blessures de guerre, ouvrier typographe, « domicilié au 42 rue Louis Richard. Le défunt était l’un des fondateurs de la Société des excursionnistes dont il était devenu le trésorier particulièrement zélé. »[3]  La sépulture à Auxerre fait l’objet d’un article dans Le Bourguignon le 7 février 1916


9 octobre 1914                Alexandre BEAULIEU (réserviste au 4e R.I., 10e  Cie), âgé de 33 ans, mort de blessures de guerre à l’hôpital temporaire n°46, installé à l’Hôtel des Princes. Il avait été blessé d’une balle à la tête à Triaucourt (Meuse)[1], né à Saint-Maurice d’Aveyron dans le Loiret. « M. Alexandre Beaulieu demeurait à Bruxelles, rue des Dominicains, 11, où il exerçait le commerce des vins. Il avait rejoint sonr égiment à Auxerre, le 2e jour de la mobiisation, laissant à Bruxelles sa jeune femme, Belge de naissance, et son petit garçon de 9 ans.  Par suite de l’envahissement de la Belgique par les Allemands, l’infortuné fut dans l’impossibilité, avant sa mort, d’embrasser une dernière fois sa femme et son enfant ; bien plus, depuis le commencement de la guerre, il n’avait eu aucune nouvelle d’eux.
                                        Orphelin de bonne heure, M. alexandre Beaulieu fut élevé à Auxerre par sa tante, Mme eaulieu, demeurant rue Haute-Moquette. Ses deux frères sont enocre sous les drapeaux. Sa tante a eu la consolation de l’embrasser avant sa mort. »

30 novembre 1914           Georges BILLARD (12e Cie, 89e R.I.), âgé de 25 ans, mort à l’hôpital n°42, domicilié 4 rue de la Maladière à Auxerre.


                             


Indre
Châteauroux
2 novembre 1914             Ulysse FAYOT / FAILLOT  ( 37e R.I.), âgé de 23 ans, mort à l’hôpital temporaire n°1 des suites de blessures de guerre, né le 5 août 1891 à Marsangis.

Indre-et-Loire               
Tours
9 décembre 1914             Charles QUILLOT, (adjudant 204e R.I., 17e Cie), âgé de 23 ans, décédé à l’hôpital complémentaire n°2 à Tours des suites de blessures de guerre,  employé des postes et domicilié place de la Gare à Auxerre. « fils du boulanger de la rue du Pont, a été blessé aux environs de Soissons, par un éclat de shrapnelle au genou gauche. Soigné à Tours, il a déjà subi trois opérations. »[4] « est décédé jeudi matin, à 2 heures, à l’hôpital de Tours où il était soigné depuis six semaines. Son père, sa mère et sa sœur ont recueilli son dernier soupir. Il avait 23 ans. L’inhumation aura lieu à Auxerre. »[5]
                                        Sépulture de Charles Quillot : « Dimanche [13 décembre], le convoi de l’adjudant Charles Quillot, du 204e, inhumé au cimetière d’auxerre a été suivi par plus de 2.000 personnes. On remarquait les associations d’anciens militaires et sociétés sportives avec cinq drapeaux, les représentants de la municpalité, la pluaprt des officiers et soldats de la garnison ; le personnel de l’adminsitration des postes. De nombreuses couronnes avaient été offertes par diverses sociétés et par les amis du défunt. Sur la tombe, des discours ont été prononcés par le capitaine d’état-major Dollones, au nom du colonel commandant la subdivision, par M. Maurice Staub, au nom du patronage catholique, MM. Cadet, receveur principal, et Labadille, directeur départemental des postes, au nom de l’administration à laquelle appartenait le défunt. »[6]

Lot-et-Garonne
19 septembre 1914          è carte postale de Julien RIVOLLET en convalescence à l’hôpital de Feugarolles adressée à Maurice POUGET, sergent du 204e R.I., rue Cochois à Auxerre
                                        « suis blessé jambe droite depuis une quinzaine par shrapnel, vais aussi bien que possible, espère que vous êtes en bonne santé, bonjour à tous les camarades qui sont encore là. Bon souvenir et amitiés. J. Rivollet ».

Paris
10 octobre 1914              Célestin GODON (282e R.I. 22e Cie) âgé de 26 ans , décédé à l’hôpital du bastion, 29 boulevard Macdonald à Paris, époux d’Henriette Dupont, domicilié 12 rue Emile Lorin à Auxerre.         

Meuse
Bar-le-Duc

19 novembre 1914           Camille GESNOT (réserviste au 204e R.I., 31e Cie) âgé de 30 ans, mort à l’hôpital militaire, sa sœur Mme Dessaus domiciliée rue d’Orbandelle à Auxerre où elle tient le café de la Poste[7].      

Isère
Grenoble (Hôpital militaire de la Tronche)
19 octobre 1914          Raoul PESCHÉ (60e Bataillon de chasseurs à pied), âgé de 27 ans, décédé des blessures de guerres, domicilié 8 rue Haute Moquette à Auxerre.          

Yonne
Auxerre
5 décembre 1914             Pendant ce temps, arrivent de Sens par bateau des blessés de la région d’Ypres pour recevoir des soins aux hôpitaux de la ville.
                                        « trente militaires, venant de la région d’Ypres, sont arrivés aujourd’hui par bateau à Auxerre, ils avaient été envoyés en chemin de fer jusqu’à Sens. La plupart ont été blessés et ont eu les pieds gelés dans les tranchées. »  Le Bourguignon,  5 décembre 1914
15 décembre                    « Lundi soir (14 décembre), à 10 heures, un convoi de cent blessés et malades, venant de la région d’Ypres, est arrivé à Auxerre. Ces militaires ont été aussitôt répartis dans les divers hôpitaux de la ville. » Le Bourguignon 15 décembre 1914

23 décembre                    Les actes de décès des « Morts pour la Patrie »
                                        « M. joseph Thierry, député des Bouches-du-Rhône, a déposé une proposition ayant pour objet de compléter les articles 96 à 101 du code civil sur les actes de l’état civil. Il demande que ‘lacte de décès d’un militaire tué sur le champ de bataille ou mort des suites de ses blessures contienne désormais la mention : « Mort pour la Patrie. »
En ce qui concerne les militaires ou marins de tous grades tués ou morts de leurs blessures depuis le 2 août 1914, l’officier de l’état civil devra inscrire en marge des actes de décès les mots : « Mort pour la Patrie », afin que l’état civil enregistre l’honneur de celui qui a donné sa vie pour le apys un titre clair et impérissable à la gratitude et au respect de tous les Français. » Le Bourguignon  23 décembre 1914



[1] Le Bourguignon,  13 octobre 1914
[2] Le Bourguignon  7 février 1916
[3] Le Bourguignon, Jeudi 10 septembre 1914
[4] Le Bourguignon,  21 novembre 1914
[5] Le Bourguignon 10 décembre 1914
[6] Le Bourguignon 14 décembre 1914
[7] Le Bourguignon 20 novembre 1914

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